Sunday, February 10, 2008

Réponse à Walter Benjamin

Selon M. Benjamin, l'aura est le sentiment que l'on ressent quand on est en contact avec quelque chose d'unique, qui est lié à un endroit précis. Comme exemple, il prend l'effet qu'on ressent en regardant une lointaine chaîne de montagne ou l'ombre d'une branche tombant sur nous. "La manifestation d'un lointain quelle que soit sa proximité"(einmalige Erscheinung einer Ferne, so nah sie auch sein mag). Voilà les termes exactes qu'il emploi pour expliquer l'aura d'une oeuvre. Avec l'avènement de la reproduction technique, les relations que l'homme entretient avec ces oeuvres ont bien sûr changées. Le caractère unique ne s'applique plus de la même façon qu'autrefois. Maintenant, l'aura tel qu'il la présente n'est plus la source d'émerveillement de l'oeil sur l'oeuvre, sans l'aura, la barrière s'est effondré laissant place a la délectation pure, sans voile.

Je vois l'aura de M.Benjamin un peu comme l'effet qu'a un Idole sur une foule. Savoir qu'il n'y en a seulement qu'un, vouloir le voir à tout pris et le contempler chaque minute qu'on a l'occasion de passé en sa présence. De la poudre aux yeux et rien de plus. Pour pouvoir apprécier la pièce, il faut la dénuder de toute notion lui donnant une valeur soit rituelle, divine ou autre que les qualités originelles qu'elle est supposé détenir. Si l'oeuvre survit et est apprécié même reproduite par milliers, c'est que sa qualité en tant que peinture par exemple est reconnue et appréciée.

Bien sûr, il faut le prendre dans son contexte qui est la modernité, les gens ont un très large éventail de "produits" qu'il leurs sont proposés. Ils aiment ou n'aiment pas une oeuvre pour toutes sorte de raisons, parfois bonnes parfois moins bonnes, mais l'art n'est pas mort pour autant, l'aura non plus d'ailleurs. Ce que M.Benjamin craignait c'est que la reproduction technique tue l'aura, ce qui ne s'est pas passé. La coexistence est là et selon moi y est pour rester. L'aura est ancré au plus profond de notre société en tant que rapport privilégié à l'art. L'original est, et sera toujours authentique car les reproductions, même les plus réalistes, resteront des copies de l'original. Dans notre société contemporaine, la valeur que l'on porte à un original n'est rien de plus qu'une valeur marchande, donnant un sentiment d'unicité et un statut au détenteur de l'oeuvre qui peut se flatter lui-même en se disant "c'est moi qui l'a". Cet effet est beaucoup plus fort maintenant qu'avant la venue de la reproduction technique car l'image est maintenant disponible et par dessus tout abordable à la masse et donc, n'est plus la raison même de la possession d'une oeuvre originale, la valeur marchande de l'image est ainsi annulé et l'homme en quête de prestige s'est rabattu sur une caractéristique différente qui est passé de "objet unique" à "premier d'un nombre infini". C'est un peu le souffle fatigué d'une croyance élitiste qui perdurera encore longtemps, même lorsqu'il n'y aura plus de différence physique entre l'original et la copie.

La reproduction technique a permis de démocratiser l'art. Il est vrai que sans son aura, l'oeuvre est banalisé, mais n'est-ce pas une bonne chose de pouvoir avoir un regard éclairé et l'accès à des opinions diversifiés sur les oeuvres? C'est en quelque sorte sortir l'homme de sa cave.


Est-ce que la reproduction technique a éteint l'art, ou a-t-elle réinventé, reconfiguré l'art selon les besoins de la modernité?

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